Visioconférence d’introduction aux

Soirées lire Lacan

Thème de l’année :

Le concept de sexualité de Freud à Lacan

 

A simplement évoquer l’idée que la croyance en l’absence de pulsion sexuelle pendant l’enfance était une erreur lourde de conséquences, Freud avait scandalisé. Dès 1905 il apportait la preuve que la sexualité ne pouvait qu’être confrontée à une illusoire normalité et que, bien au contraire, d’une manière ou d’une autre, le lien entre pulsion et objet est toujours perturbé. Il en venait à affirmer que “la vie sexuelle des personnes concernées se manifeste (…) dans des symptômes. Les symptômes sont, ainsi que je l’ai déclaré ailleurs, l’activité sexuelle” de la personne. 

Les Trois essais sur la sexualité, dans son ensemble, témoigne d’une sexualité toujours symptomatique, c’est-à-dire toujours soumise à un ratage. Freud ira même jusqu’à considérer que ce ratage, et la sublimation que celui-ci peut induire, sont patents dans les manifestations de la civilisation jusqu’à ses œuvres d’art. Avec lui, donc, la sexualité est au-delà et en deçà du génital.

Lacan conserve cette idée cruciale de ratage, mais il finira, au contraire, par restreindre la sexualité à son point de réel inéliminable. Dégagé de toutes ses connexions imaginaires ou symboliques, le ratage trouvera à se définir de l’impossible du rapport entre les sexes.  

Dans le séminaire 16 on rencontre, par exemple, cette formulation énigmatique : “Il n’y a pas d’acte sexuel, au sens où cet acte serait celui d’un juste rapport, et, inversement, qu’il n’y a que l’acte sexuel, au sens où il n’y que l’acte pour faire rapport”1. Cette formulation  paradoxale trouvera ses développements logiques dans le séminaire 20. De fait le ratage n’est pas un accident, mais le quotidien de la relation à l’autre. Le rapport à cet Autre, à l’Autre comme corps, à l’Autre comme corps sexué, est impossible car la jouissance est un obstacle. Les formules de la sexuation écrivent la logique de cet impossible. Et finalement le terme de castration vient nommer ce ratage — tout aussi bien, on pourrait simplement énoncer que la castration c’est l’être pour le sexe.

Dans une émission pour tout public en 2005 sur France culture2, Jacques Alain Miller s’appuyait sur une toute petite nouvelle de Jorge Borges, la secte du Phénix3, pour rendre compte du réel sexuel auquel tout être parlant est soumis — pour lui, c’est de toute la littérature le texte le plus remarquable, le plus exquis pour mettre en scène ce que veut dire le non rapport sexuel. (…) C’est là le paradoxe qui anime ce texte. En matière de sexualité, chacun se comporte comme s’il avait à cacher son secret à tous alors que c’est le secret de tous. C’est bien pourquoi c’est un texte qui est de l’époque de la psychanalyse, la sexualité est un secret que tous pratiquent et cela reste pourtant un secret pour chacun.

De tout temps la rencontre des corps a été l’objet de prescriptions diverses, de rites initiatiques de symbolisations ou de sublimations où chacun jouait ses identifications et ses symptômes. Ce qui était habituellement camouflé par la civilisation peut sembler au contraire actuellement exhibé avec un accès à la jouissance sans freins. La binarité classique des sexes semble se dissoudre dans une fluidité où chacun a le choix de ses identifications… la reproduction pourrait même se dissocier de l’activité sexuelle des corps. Pourtant ce qui apparait volontiers comme une liberté conquise se retourne en son contraire. La moindre rencontre des corps subit depuis peu une suspicion généralisée et l’on pourrait entrer progressivement dans l’ère de la judiciarisation du consentement. Si la consommation d’objet de jouissance sans intervention de l’Autre se diversifie à folle allure, l’accès à cet Autre reste une énigme d’autant plus profonde qu’une étrange folie nous en barre l’approche. Le malaise, bien loin de s’apaiser, prend une nouvelle actualité. Il reste qu’au bout du compte, l’accès à la jouissance n’est pas une solution au malaise — Jacques Alain Miller dans son cours4 précise : Ce que Lacan inclut dans son concept de jouissance, c’est que la jouissance ne convient pas au rapport sexuel. La phrase figure en toute lettre dans le Séminaire Encore : « La jouissance ne convient pas au rapport sexuel5.

Finalement, l’impossible reste de structure — autre façon de dire que la castration c’est l’être pour le sexe. Aucun savoir ne peut délivrer une solution à cet impossible. L’Autre social ne garantit rien, la science ne peut qu’objectiver toujours plus un réel dont chaque parlêtre est exclu. La psychanalyse est bien de cette époque de l’Autre qui n’existe pas et peut répondre de l’expérience analytique. Nous nous appliquerons à relire Freud et à lire Lacan pour comprendre comment leurs concepts saisissent la question du sexe — essentielle pour chacun. 

Nous essaierons donc, cette année, de saisir les enjeux de la sexualité, tant dans l’œuvre de Freud que dans l’enseignement de Jacques Lacan. Depuis Trois essais sur la sexualité jusqu’au dernier enseignement de Lacan nous avons choisi des textes qui montrent comment le ratage peut être abordé et éclairé : Le nouage du symptôme, la castration avec les valeurs imaginaire, symbolique et réelle du phallus, l’appréhension de l’objet a(sexué) et des formules de la sexuation où le phallus devient une simple fonction.

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