Édito
Identités
Dominique Pasco et Romain Aubé
Qu’est-ce qu’une identité ? C’est un Je suis, mais c’est un Je suis qui ignore ce qu’il est. C’est ce que la psychanalyse enseigne : « le sujet n’est pas identique à lui-même, […] il n’est ni achevable ni achevé [1] ». Aussi, tout Je suis ne saurait résoudre, absoudre, colmater la division subjective, celle-ci étant définitive.
La psychanalyse tient compte de ce point irrémédiable qui participe de la construction du sujet. Cette constitution ne se fait pas sans l’appui de l’identification, qui, à l’occasion, « se cristallise dans une identité [2] ».
Face à la pluralité des prêt-à-porter de sens et d’identités, la psychanalyse ne prône pas un À bas l’identité au profit d’une norme, laquelle rabat l’universel sur le singulier et évacue les aspérités des parlêtres. Non, ce qu’elle propose, c’est un espace d’énonciation où le sujet pourra cerner ce qui fait le lit de ce Je suis auquel il s’attache et le choix toujours forcé qui l’a conduit à l’épouser. Une fois repérés les fondements identificatoires, isolés les signifiants-maîtres et les phrases marquantes qui ont participé de ces montages, continuer à se faire représenter par cette identité ou la délaisser relève du choix d’un sujet, dès lors, responsable et averti.
Au terme d’une analyse, un nouveau genre d’identité affleure, symptomale [3] celle-ci, où l’enjeu est moins celui d’un Je suis, qu’une incarnation, qui tient compte du corps et de la jouissance.
- Miller J.-A., « L’orientation lacanienne. Des réponses du réel », enseignement prononcé dans le cadre du département de psychanalyse de l’université Paris 8, leçon du 23 mai 1984, inédit.
- Lacan J., Le Séminaire, livre XXIV, « L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre », leçon du 16 novembre 1976, Ornicar ?, n°12-13, décembre 1977, p. 5.
- Cf. Miller J.-A., « En deçà de l’inconscient », La Cause du désir, n°91, novembre 2015, p. 102.
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