Choix de l’amour, pari de la rencontre

Conférence de Emmanuelle Borgnis Desbordes,

psychanalyste membre de l’École de la Cause freudienne

« Du sexuel ne fonde en rien quelque rapport que ce soit »
Jacques LACAN, Le Sinthome, Paris, Seuil, 2005.

Entre les sexes, il y a un mur, un mur qui rend cette rencontre aussi impossible que désirable. Accueillir le non-savoir et l’absence de garantie – en matière d’amour – peut faire d’une rencontre un événement à condition d’y consentir et de s’y laisser surprendre [1]. Lacan parle à ce sujet du « choix de l’amour [2] », qui demande audace et prise de risque. « La rencontre appartient au domaine de la contingence, de ce qui aurait pu ne pas avoir lieu [3] » et elle peut être l’opportunité de faire « muter l’impossible en occasion [4] ». La rencontre repose donc sur un pari. Et chez Lacan, « le pari, c’est le fait de mettre en jeu sa vie, son style de vie et sa jouissance, dans un quitte ou double avec le grand Autre [5] », ce qui suppose un renoncement à la jouissance. Parce que l’ère moderne ne laisse plus place à la contingence et vise la complémentarité des jouissances, des corps et des sexes, elle suscite une quête du même qui se passe complètement de l’Autre et ce faisant isole. Or, « l’isolement est un mur. Et nous sommes à l’époque de la construction d’isolats, puisque chacun ne sait plus trop où commencent et où finissent les frontières [6] ». Égarement.
Si la clinique n’a de cesse de recueillir les vicissitudes de rencontres amoureuses aussi impossibles que décevantes, à l’heure contemporaine, « l’exil du rapport sexuel est éprouvé d’autant plus amèrement que l’impératif de jouissance croît [7] » : Jouis… à l’envie ! Nous interrogerons ces incidences.

[1] Cf. Leguil C., Céder n’est pas consentir, Paris, PUF, 2021.
[2] Lacan J., Le Séminaire, livre XX, Encore, texte établi par Jacques Alain Miller, Paris, Seuil, 1975, p. 131.
[3] Lebovits-Quenehen A., « La première fois », Blog préparatoire aux 50e Journées de l’ECF.
[4] Ibid.
[5] Miller J.-A., Une lecture du Séminaire D’un Autre à l’autre, La Cause freudienne, n° 65, 2017, p. 90.
[6] La Sagna P., « De l’isolement à la solitude », La Cause freudienne, n° 66, 2007, p. 44.
[7] Depelsenaire Y., « Il était une fois… le rapport sexuel », La Cause freudienne, n° 70, 2008, p. 20.