LES GUERRES DES SEXES

NOUVELLES TEMPORALITÉS

La guerre des sexes s’écrit aujourd’hui au pluriel car, bien plus qu’à un conflit entre deux camps qui seraient celui des hommes et celui des femmes, nous assistons à de multiples affrontements. Masculinistes contre féministes, féministes différentialistes contre trans, féministes universalistes contre féministes pro-sexe : des sous-ensembles communautaires s’agrègent, se recoupent parfois, et se recomposent très rapidement. Freud et Lacan ont forgé des concepts qui nous permettent de lire ces phénomènes contemporains. Dans certains moments cruciaux de son existence, le sujet doit de situer sa jouissance au champ de l’Autre par les processus identificatoires. Ce qui est le corolaire nécessaire de cette identification, c’est le rejet de ceux dont il considère qu’ils ont une jouissance distincte de la sienne. C’est pourquoi Lacan a pu dire que le racisme « s’enracine dans la fraternité des corps »[1] – et cela vaut tout autant pour la sororité…

Les guerres des sexes se jouent aussi sur le terrain du langage, avec l’émergence de la notion de « microagression », dont Éric Laurent souligne la logique : « Après avoir tenté de toucher au niveau des grandes catégories des discours, on essaie d’aller plus loin pour déminer les pouvoirs délétères des discours »[2]. La bataille va jusqu’à la matérialité de la langue, car c’est la valeur différentielle du signifiant, ségrégatif par essence, qui est visée.

Les guerres des sexes se déroulent enfin selon une temporalité nouvelle. Fini le temps où les luttes se déployaient d’abord dans la sphère universitaire, avant que les élaborations conceptuelles ne se diffusent dans l’opinion publique et produisent en retour des effets rétroactifs sur les recherches. Les réseaux sociaux donnent un tout autre tempo, où instant de voir et moment de conclure se télescopent. Face à une information, à la prise de position d’une personnalité, devant un nouveau signifiant qui émerge, le sujet contemporain se précipite pour choisir un camp et se distinguer de l’autre. Nous verrons comment, dans ces nouvelles temporalités, il n’est pas question de durée mais de temps logiques, tels que les a conceptualisés Lacan[3].

Alice Delarue

[1] Lacan J., Le Séminaire, livre XIX, …ou pire, texte établi par J.-A. Miller, Paris, Seuil, 2011, p. 236.

[2] Laurent É., « Remarques sur trois rencontres entre le féminisme et le non-rapport sexuel », Lacan Quotidien, n° 861, vendredi 13 décembre 2019.

[3] Cf. Lacan J., « le temps logique et l’assertion de certitude anticipée », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 197-213.

 

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