Conférence d’Anne-Marie Le Mercier, psychanalyste, membre de l’ECF et de l’AMP

Bataille et Lacan se sont l’un et l’autre confrontés à l’impossible comme limite du savoir et du langage.
La psychanalyse a permis à Georges Bataille de sortir d’une crise existentielle en libérant la voie de l’écriture pour traiter la culpabilité, l’angoisse et la jouissance qui l’assaillaient.
« Nous ne pouvons que mettre les questions -leur absence de réponse- au compte d’une partie du réel, qui est notre lot », écrivait-il en 1940 [1]. Au « Dieu est mort» de Nietzsche, il n’a cessé de chercher une issue qui l’extrairait d’un désarroi abyssal, sans toutefois céder sur la nécessité de ce qu’il nommait en 1943 « la pureté d’une exigence sans espoir [2] ». Philosophie, littérature, anthropologie, essais sur l’érotisme, firent le lit d’une recherche obsédante sur ce qui pourrait répondre à sa thèse : « La limite de l’homme n’est pas Dieu, n’est pas le possible, mais l’impossible, c’est l’absence de Dieu [3]. » Transgression poussée à l’extrême, extase, sacrifice firent le fond de sa volonté de mettre « le possible au niveau de l’impossible » pour tenter de se situer au plus près du réel de la déchirure de l’être, qui toujours échappe.
Si Lacan ne partagea pas l’expérience mystique de Bataille, il fit cependant écho à son œuvre. La chance selon Bataille trouve par exemple sa dimension logique dans la contingence selon Lacan. Là où Bataille a voulu expérimenter au plus loin, et écrire avec sa vie, sa thèse de l’impossible comme « fond de l’être » et comme « perte de soi [4] », Lacan a abordé l’impossible, la solitude du sujet parlant et son exil du rapport sexuel, à partir de la logique [5]. Il nous permet ainsi de lire le Dieu de Georges Bataille comme la place de l’inconscient sur laquelle un sujet, pris dans son fantasme, peut s’aveugler. Les conséquences éthiques de leurs élaborations respectives diffèrent.

 

[1] Bataille G., Le Coupable, L’Imaginaire. Gallimard. 2010. p. 69.

[2] Bataille G., L’expérience intérieure. Gallimard. 2017. p. 86.

[3] Bataille G., Le rire de Nietzsche, La Somme athéologique, TII, Œuvres complètes T VI, Gallimard, 1973. p. 312.

[4] Ibid., p. 313

[5] Lacan J., Le Séminaire, Livre XX, Encore, p. 87 et 132.

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Clinique du Val Josselin – Yffiniac
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