Cycle d’étude 24/25 de l’ACF en VLB à Vannes-Lorient
Atelier clinique en présence d’Emmanuelle Borgnis Desbordes, psychanalyste, membre de l’ECF
Présentations de Morgane Colleter, Cécile Ireland, Anne Le Magueresse, et Astrid Poly
Écho de Vannes
Quel partenaire est le toxique pour un sujet ?
Aurélie PENCREACH
Le samedi 7 juin dernier s’est tenu le dernier événement du cycle d’études 2024-2025 de l’ACF en VLB à Vannes-Lorient : « Partenaire(s) toxique(s) ». Nous avons eu le plaisir d’accueillir Emmanuelle Borgnis Desbordes, psychanalyste et membre de l’École de la Cause freudienne, pour un « atelier clinique » particulièrement riche.
Quatre intervenantes : Morgane Colleter et Astrid Poly (psychologues), Anne Le Magueresse et Cécile Ireland (psychiatre et généraliste addictologue) nous ont présenté deux cas cliniques issus de leur pratique en institution (CMP et CSAPA). L’atelier s’est ainsi centré sur la question du partenaire toxique ou « comment, selon la formule d’ E. Borgnis Desbordes, la substance toxique alimente la pulsion et le programme de jouissance ». Leur lecture psychanalytique des usages du toxique dans une époque marquée par la primauté de l’objet sur l’Idéal nous a conduit à mettre plusieurs aspects à la question : quel est le rapport singulier qu’un sujet entretient avec le toxique comme substance ? Le toxique peut-il tenir lieu de véritable partenaire pour traiter l’angoisse en se passant du désir et du lien à l’Autre ? Comme le souligne Jacques-Alain Miller, « [l]a drogue apparaît comme un objet qui concerne moins le sujet de la parole que celui de la jouissance, en tant qu’elle permet d’obtenir une jouissance sans en passer par l’Autre [1] ». Le toxique serait-il alors une « alternative à la solution par le symptôme [2] » ?
Le premier cas présenté nous a fourni quelques enseignements : un patient dont l’usage de l’alcool semblait lui permettre de traiter son angoisse en « nettoyant » son corps. La jouissance débordante ne cessait de convoquer la pulsion de mort. Comme le rappelait J.-A. Miller : « Il me semble que l’expérience toxicomaniaque justifie que l’on introduise le terme de jouissance pour qualifier ce qui, en l’occurrence, se situe au-delà du principe de plaisir, ce qui n’est pas lié à un tempérament de la satisfaction mais au contraire à un excès, à une exacerbation de la satisfaction qui conflue avec la pulsion de mort [3] ». E. Borgnis Desbordes l’a précisé : « l’excès ne fait que recouvrir ce qui a fait trauma dont le corps garde trace ».
Le second cas mettait en lumière un sujet malmené par ses symptômes et angoisses pour qui l’usage de toxiques semblait constituer une tentative de retrait du monde. Toutefois, son usage de ceux-ci avait peut-être également une visée de séparation d’avec un proche, l’addiction étant le seul domaine échappant au savoir de ce dernier.
Ces cas illustrent bien ce que Freud, dans Malaise dans la civilisation, identifiait comme une méthode possible pour éviter la souffrance. Clotilde Leguil le souligne également : « Les toxiques permettent de soulager momentanément la souffrance, l’angoisse, la détresse. [4] » En ce sens, le toxique agit comme un puissant « brise-souci [5] » qui permet par court-circuit, de faire l’économie de la parole et donc du rapport à l’Autre, comme l’a signalé notre invitée : « Le sujet se retrouve en prise directe avec la pulsion… et ça réitère ».
Ces quelques éléments issus de cette matinée éclairent le rapport du sujet au toxique comme solution possible face à l’angoisse, et plus précisément comme traitement de celle-ci, au cas par cas. E. Borgnis Desbordes a pu souligner « qu’en proie à une « volonté de jouissance », ces sujets peuvent trouver auprès d’un clinicien orienté une réinscription dans un lien social qu’il n’y a plus et permettre que le désir – court-circuité jusque-là – se fraie une voie ».
Cet atelier clinique a suscité de nombreuses questions de la part de l’auditoire, témoignant de l’intérêt vif au thème, de la qualité des présentations et de la richesse des interventions de notre invitée. Nous les remercions chaleureusement !
[1] Miller J.-A., « La drogue de la parole », Accès à la psychanalyse. Addiction, n°15, Bulletin de l’ACF en VLB, septembre 2023, p. 16-17 18.
[2] Oger, D., « Cycle d’étude 2024-2025. Partenaire(s) toxique(s). Atelier clinique du 7 juin. Argument », ACF VLB, 2025 : https://www.associationcausefreudienne-vlb.com/evenement/partenaires-toxiques-2/, juin 2025.
[3] Miller, J.A., « La drogue de la parole », op.cit., p. 18.
[4] Leguil, C., L’ère du toxique, Paris, PUF, 2023, p. 26.
[5] Ibid., p. 27.
Informations
Accueil à partir de 09h15
CMPP, 35 rue des Grandes Murailles, 56000 VANNES
Participation aux frais : 10€, Etudiants, demandeurs d’emploi : 5€
Contact
Renseignements et inscriptions : acfvanneslorient@gmail.com
