Nous recevons J.-P. Deffieux pour converser autour de son ouvrage, La Clinique du présent avec Jacques Lacan. Des cartels sont constitués au préalable pour élaborer les questions qui seront posées à notre invité en rapport avec son livre et la clinique contemporaine. À la suite de la conversation, une séance dédicaces aura lieu.
Écho de Nantes
Par Benoîte Chéné
L’interprétation singulière du monde
Ce samedi 15 mars 2025 à Nantes, Jean-Pierre Deffieux est venu nous parler de ce que ses patients lui ont enseigné, depuis 40 ans, sur la clinique et sur la subjectivité de notre époque, à partir de son livre, La Clinique du présent avec Jacques Lacan.
Lors de cette conversation, il a abordé les symptômes contemporains, appelés dépression, addiction, la question du genre, de l’amour et « la présence généralisée dans le monde de la Paranoïa, ignorée et déniée par nos sociétés. [1] » C’est particulièrement ce point qui a retenu mon attention.
Jean-Pierre Deffieux est ainsi parti d’un abord ample de la paranoïa comme étant une interprétation singulière du monde, notamment dans « ce qui unit le sujet à l’Autre [2] ». Pour autant, celle-ci « est subtile, souvent dissimulée, pas aisément perceptible. C’est ce qui fait qu’on l’ignore et qu’on ne veut pas en tenir compte [3] ».
Pour l’analyste, il s’agit alors d’écouter la langue de l’autre car cela signifie reconnaître dans la langue commune, celle qui est singulière au patient « en donnant d’abord sa valeur au signifiant plutôt qu’à la compréhension du sens [4] ».
Écouter la langue de l’autre implique « d’attacher la plus grande importance à son discours, aux mots qu’il emploie, à la syntaxe et à la grammaire qu’il utilise. C’est cette écoute stricte du signifiant qui crée le lien transférentiel dans la paranoïa. Il ne faut pas confondre donner du sens et comprendre, avec écouter la langue de l’autre. Établir un lien dans la paranoïa ce n’est pas toujours facile. À la fois, il ne s’agit pas de rester muet parce que ça persécute le sujet et à la fois il faut faire très attention à ce qu’on lui dit. » C’est ainsi, selon J.-P. Deffieux, que le sujet paranoïaque arrive à prendre des distances avec ses interprétations, les gérer même car cette interprétation singulière du monde peut être très envahissante [5] et peut aller jusqu’à la nécessité d’une hospitalisation.
Ainsi cette temporisation de la persécution, ne peut se faire sans l’autre, c’est-à-dire sans un trajet sous transfert qui est : « un trajet pour lequel le psychiatre-psychanalyste est à l’écoute du discours et des trouvailles du sujet, et pas dans la maîtrise d’un vouloir et d’un savoir guérir. Accompagner, suivre [en repérant] le chemin du sujet, est ce qui lui donne, après un long temps nécessaire, la possibilité d’un savoir y faire avec son système interprétatif [6] ».
[1] Deffieux J.-P., La Clinique du présent avec Jacques Lacan, Paris, Le Champ freudien éditeur, 2024, 4e de couverture.
[2] Ibid., p. 170.
[3] Ibid., p. 176.
[4] Ibid., p. 170.
[5] Les passages en italiques dans l’ensemble du texte sont issus de la conversation du 15 mars 2025 à Nantes.
[6] Deffieux J.-P., La Clinique du présent avec Jacques Lacan, op. cit., p. 215.
Informations
Lieu : Gare de l’Etat (Nantes)
Tarif : 10€ tarif plein / 5€ tarif réduit
Contact
acfvlb-nantes-st-nazaire@outlook.fr