Vers Pipol 12
Pour tout être parlant, il s’agit de se faire sa famille. Que les liens de naissance soient biologiques ou non, chaque membre la composant a à s’arranger avec le malentendu inhérent au fondement de tout lien social. C’est sur fond d’incompatibilité des jouissances entre chaque un que l’expérience de cette rencontre se fait. C’est pourquoi Lacan ne considérait pas le lien familial comme évident et naturel, mais disait-il plutôt que « la famille humaine est une institution »[1]. En cela, elle est un fait de langage. Une observation de Lacan de 1950 pointait déjà la « réduction de plus en plus étroite [du groupe familial] à sa forme conjugale » et le « déclin de sa puissance sociale »[2], ce point nous éclaire sur la souveraineté des communautés et de l’autodétermination aujourd’hui. À l’heure de la chute du patriarcat et de ses idéaux, il y aurait l’idée que l’on peut faire sans l’Autre. Mais, selon les termes de Jacques-Alain Miller, ne négligeons pas que « la famille est un lieu d’interprétation inépuisable »[3], car le désir de l’Autre recèle toujours une énigme, un secret, pouvant être mis au travail et ouvrir à l’invention.
Alors, pas de famille sans malaise ?! En direction du congrès PIPOL 12, nous avons voulu explorer cette question en invitant plusieurs professionnels à converser avec nous. Pascale Cuchot, directrice d’un Pôle petite enfance, témoignera notamment de l’évolution de l’accueil des familles en crèche. Tony Perigault, éducateur spécialisé en Centre d’Accueil Familial Spécialisé, nous éclairera sur les liens qui se construisent en famille d’accueil. Enora Le Moal, psychologue clinicienne en Centre Médico-Psychologique et participante du CEREDA, nous offrira son point de vue sur l’accueil fait à la famille dans les suivis d’enfants.
Enfin, tout au long de cette soirée, nous aurons la joie de compter sur la présence de Catherine Lacaze-Paule, psychanalyste membre de l’École de la Cause freudienne, pour enrichir la conversation de ses ponctuations, questions et éclairages.
Nadège Duret
[1] Lacan J., « Les complexes familiaux dans la formation de l’individu », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001, p. 24.
[2] Lacan J., « Fonctions de la psychanalyse en criminologie », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 133.
[3] Miller J.-A., « Affaires de famille dans l’inconscient », La Lettre mensuelle, no 250, juillet/août 2006, p. 10.
Écho de Nantes
Par Sara Thomas
Exigences parentales ?
Lors de la soirée préparatoire au congrès PIPOL 12 « Pas de famille sans malaise », Pascale Cuchot, directrice d’un pôle petite enfance, nous a parlé de l’évolution des crèches dans notre société. Nous sommes passés d’un « mode de garde » à un « lieu d’accueil » pour l’enfant, mais aussi sa famille. En d’autres termes, il semblerait qu’aujourd’hui, l’accueil du tout-petit nécessite également d’accueillir ses ascendants.
Certaines familles, en situation de précarité sociale et symbolique, se tournent vers les professionnels afin de trouver un appui et un peu de répit. Puis, il y a ces parents qui ne semblent pas de prime abord avoir de demandes, mais plutôt des « exigences », note P. Cuchot. Ces exigences vont de pair avec les discours contemporains de productivité et d’autodétermination, même précoce ! Il n’est pas rare également, j’en ai fait l’expérience en LAEP (Lieu d’Accueil Enfants-Parents), d’entendre un père, une mère, faire état de ce qu’ils ont compris des faits et gestes de leur enfant après une rapide recherche sur Google. Autant d’idées éducatives, de signifiants maîtres, qui creusent un écart avec la vie en collectivité. En effet, ces parents, soumis à un surmoi féroce, font usage d’un savoir sans faille, Un, allant parfois jusqu’à les exclure du lien social.
Que répondre à ces parents dont le savoir est bouché par des significations ? L’échange lors de la soirée, puis l’écrit dans l’après-coup, a fait éclore pour moi certaines questions. Pourquoi tel ou tel signifiant-concept va accrocher telle mère ou tel père ? Comment ne pas être fasciné par ces formules toutes faites qui foisonnent dans les discours sur l’éducation ? Il semble qu’il faille aller chercher au-delà des termes employés, débusquer l’objet derrière la diversification alimentaire ou l’accès à la propreté, l’agressivité derrière l’éducation positive, soit un dit singulier derrière la formule. Il s’agit de repérer ce qui d’un savoir singulier sur l’enfant peut se construire pour les parents. En travaillant dans un LAEP, il m’est souvent arrivé de constater que la demande, qui se cache derrière l’exigence, est celle d’un dire qui fasse trou. Un « ou pas », un « peut-être oui, peut-être non », loin des certitudes éducatives ou médicales. Un écart salutaire, offrant parfois la possibilité d’une greffe, celle d’un désir particularisé. Dès lors, l’enfant pourra y répondre, non sans détermination !
Informations
Soirée organisée avec le CEREDA, groupe Stephen Dedalus
Tarif : 5€
Gare de l’Etat – Salle C
Contact
Contact : acfvlb-nantes-st-nazaire@outlook.fr