Argument
Le refrain tant entendu à Noël des « jouets par milliers » marque une époque, celle de la surabondance et du leurre de la satisfaction à laquelle les enfants sont soumis. Tout est fait pour combler le manque et répondre à leurs besoins supposés, qui de fait se voient proliférer. Or besoin et désir sont, dès 1905, différenciés par Freud à l’aune de sa théorie sur la relation d’objet. Quelle n’est pas notre surprise quand, à Noël, le tout petit enfant s’intéresse bien plus à l’emballage qu’au cadeau lui-même, ou qu’un enfant exprime une déception lorsqu’il ne reçoit pas le cadeau espéré, celui-là même qui n’était pas sur sa liste.
Après Freud, Mélanie Klein, Winnicott et enfin Lacan ont participé à faire de l’objet un concept crucial de la psychanalyse. Du pouce sucé (objet partiel), en passant par la peluche (objet transitionnel), aux figures parentales (objet du fantasme), à l’amour de soi-même ou du semblable (choix d’objet narcissique), jusqu’aux baskets des adolescents (fétiche), au premier baiser (choix d’objet amoureux), l’objet se déplace. À partir du Séminaire X, L’Angoisse, Lacan conceptualise l’objet a, dont il fait la pierre angulaire de son enseignement. L’objet est pour lui, ce qui cause le désir du sujet.
À chaque enfant son objet et le petit Steven a choisi le sien.
Comme on le verra cette année avec la projection du film, The Fabelmans [1], l’objet y fait ici destin. La trouvaille singulière du jeune Spielberg, soutenu par le désir décidé de sa mère, traite un réel traumatique par un objet externe : le regard, qui le mènera à devenir l’un des plus grands réalisateurs du monde !
Pour certains enfants, l’objet est trop réel et se présente de manière intrusive. Pour Robert, c’est l’objet voix qui fait retour sous forme hallucinatoire. « La clinique de la psychose témoigne des efforts de certains sujets pour extraire l’objet »[2]. À cet effet, nous nous enseignerons, de la grande rigueur dont a fait preuve Rosine Lefort, pour se faire partenaire de cet enfant[3] accueilli en institution dès son plus jeune âge.
Le programme 2025-2026 du groupe Stephen Dedalus propose de s’intéresser aux objets des enfants. Pourquoi cet enfant ne peut-il pas se séparer de son téléphone ? Pourquoi celui-ci collectionne-t-il obsessionnellement des cartes Pokémon ? Pourquoi cette adolescente cesse de s’alimenter ? Pourquoi ce doudou, cette poupée, deviennent-ils parfois irremplaçables ? « Les enfants s’analysent avec leurs objets »[4], aussi la question « comment l’enfant choisit-il ses objets ? » nous invite à dépasser l’idéologie qui voudrait corriger les « mauvais » choix de l’enfant. Car ces objets témoignent surtout d’une tentative de solution. Comment notre pratique se laisse-t-elle orienter par ces trouvailles ? C’est l’enjeu éthique pour les praticiens : accueillir ces objets investis sans les réduire à de simples caprices, ni à des symptômes à corriger. Venez avec vos questions les plus vives, vos impasses cliniques, vos découvertes. C’est dans cette mise au travail à plusieurs que nous pourrons élaborer une pratique qui fait sa place à l’inconscient de l’enfant et soutient son invention.
Sarah Guesmi
[1] Spielberg S., The Fabelmans, 2022.
[2] Arpin D., « L’objet pulsionnel, proche et lointain à la fois », 3 mars 2024, disponible en ligne.
[3] Cf. Lefort R. et Lefort R., Les Structures de la psychose, Paris, Seuil, 1988.
[4] Roy D., « Les enfants et leurs objets », disponible en ligne.
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