Conférence d’Aurélie Pfauwadel

Psychanalyste, membre de l’ECF et de l’AMP

3ème conférence sur le thème d’étude de l’année « La voie du désir », suivie d’une discussion.

Comment se positionner en tant qu’homme dans les rapports de séduction avec l’Autre sexe après #MeToo ? Comment « être un mec bien » et non pas un « salaud » ? Depuis que des voix féminines se sont élevées pour dénoncer différentes formes d’abus commis par des hommes, les cabinets des psychanalystes résonnent de ces examens de conscience qui interrogent le désir masculin au prisme de ces signifiants de l’époque. Où passe la limite entre le cœur d’artichaut, le séducteur romantique, l’homme à femmes et le « prédateur » ? Un lourd soupçon pèse désormais sur le désir côté homme et sa pente à l’objectalisation. Là où l’attentat sexuel généralisé affleure sans cesse pour certaines femmes, répond en miroir une prompte identification au « porc » pour quelques hommes, prêts d’eux-mêmes à se « balancer ».

C’est que, de l’affaire DSK à la chute d’Harvey Weinstein, ce ne sont plus seulement les agissements de quelques pervers isolés qui se trouvent vilipendés, mais le « système » de « domination masculine » dans lequel l’ensemble des hommes et des femmes se trouvent pris, « la banalité du mâle » comme l’écrit le philosophe Raphaël Liogier1. Dès lors, le problème se trouve pointé dans sa dimension structurelle et devient une question d’éducation et de conditionnement à aborder et voir les femmes d’une façon ravalante (le fameux « male gaze »). S’ensuit l’appel à déconstruire les stéréotypes de masculinités « hégémoniques » véhiculés par la société patriarcale, à refonder le masculin, voire à révolutionner le désir des hommes (par Ivan Jablonka ou les signataires du hashtag #WeToo par exemple).

Dans ce bruissement des discours contemporains, qu’a à dire de spécifique la psychanalyse sur le désir masculin que n’épuisent pas l’abord sociologisant et idéologique en termes de « genres » ou de rapports de domination, ni le réductionnisme biologisant à la testostérone et aux hormones « mâles » ? Comment la psychanalyse permet-elle de nuancer et dépasser cette alternative figée entre une masculinité « toxique » et une masculinité féministe déconstruite ?

Depuis l’écoute des paroles d’hommes auxquelles nous donne accès notre clinique, se repèrent avec Freud et Lacan des traits de structures propres au côté homme de la sexuation : ainsi, la perversion normale du désir masculin, la forme fétichiste de son objet et ce qui fait de lui le « sexe faible » au regard du porno2 ; le caractère structurellement impossible de la virilité, le rapport embarrassé au phallus et la prégnance spéciale du fantasme côté homme ; ou encore la psychopathologie de sa vie amoureuse et la tendance centrifuge du désir qui le caractérise, ou son penchant à aller « en bandes » et à la fraternité masculiniste pour affronter les dangers auxquels le confronte le féminin…

Convient-il alors de distinguer une « forme du désir mâle » d’une façon féminine de désirer et fantasmer ? Nous verrons que l’assomption éthique du sexe affine à l’éthique de la psychanalyse n’a rien à voir avec le fait de tenir un rôle, masculin ou féminin, mais ouvre l’analysant à un autre savoir-y-faire avec les semblants du sexe et avec son mode de jouir. L’analyse permet la traversée de l’aspiration à la virilité en empruntant le chemin du symptôme singulier, qui est celui du pas-tout, symptôme par le maniement duquel l’homme aura à se « faire une conduite », disait Lacan.

Aurélie Pfauwadel

1 Liogier R., Descente au cœur du mâle, Paris, Éditions Les liens qui libèrent, 2018, p. 10.

2 Miller J.-A., « L’inconscient et le corps parlant », La Cause du désir, n° 88, Paris, Navarin, 03/2014, disponible en ligne.

Informations

Maison des Associations
6 cours des Alliés, Rennes
Participation aux frais : 10 € / 8 € (étudiants et demandeurs d’emploi)