L’ACF en VLB rend hommage à Sophie Fillières dont nous avons appris avec tristesse le décès l’été dernier.

Réalisatrice, Sophie Fillières a été invitée par le pôle de Rennes à plusieurs reprises dans le cadre de Cinéma et psychanalyse. Ses films et ses dialogues ne sont pas sans lien avec la psychanalyse.

La délégation de l’ACF en VLB vous propose de (re)découvrir le très bel entretien de Sophie Fillières avec Jeanne Joucla, psychanalyste membre de l’ECF et de l’AMP, et Géraldine Somaggio, paru dans l’ouvrage collectif Au cinéma croire à l’inconscient chez Cécile Defaut sous l’intitulé « Sophie Fillières et la possibilité même du langage ».
Hélène Girard,
Déléguée régionale
septembre 2023

Sophie Fillières et la possibilité même du langage

« Inconscient et inconscience : il faut un peu des deux pour faire du cinéma » nous a confié la réalisatrice Sophie Fillières au terme de l’entretien qu’elle a bien voulu nous accorder[1].

Simplicité et authenticité étaient au rendez-vous pour échanger avec elle autour de ce qui fait la singularité de son cinéma : langage, écriture, images et montage au service de la comédie… Bien que dans l’idéal, nous dit-elle, elle adorerait faire un grand film bergmanien… mais il y a toujours une torsion et un angle absurde, comique qui s’impose.

 

La possibilité même du langage

Sophie Fillières – Je suis très attachée au langage et j’adore écrire des dialogues. Mais dans la vie, je ne suis pas du tout aussi articulée que dans les films. C’est vraiment le cinéma qui me permet d’exprimer des choses, dans la vie je ne suis pas bavarde. D’ailleurs je ne crois pas que mes films soient bavards, même si ça parle beaucoup…

Souvent dans l’écriture je pars de choses très ténues, d’une situation, parfois d’une phrase, parfois même c’est un mot qui me fait écrire une scène. Ensuite je m’efforce d’être dans l’économie et pour chaque phrase je suis très méticuleuse. Il s’agit de resserrer au maximum la façon de s’exprimer des personnages, ce qui me semble être la façon de resserrer leur pensée. Je suis aussi à cheval sur la ponctuation, mes comédiens peuvent en témoigner.

Jeanne Joucla – En effet, Emmanuelle Devos dit : « à la virgule près ».

SF – Si c’est la virgule et pas un point, je veux que ce soit noté et vice versa. Ce n’est pas quelque chose d’obsessionnel, c’est vraiment une façon de m’y repérer. Mais c’est vrai que  je n’improvise jamais et il est hors de question de laisser les comédiens improviser. D’abord parce qu’il n’y a pas une substance très claire au plan narratif dans mes films. La narration vient justement de la façon dont les gens s’expriment. Le langage est alors un filtre au travers duquel je passe le monde. C’est : comment être dans l’expression la plus juste et la plus fine de ce qu’il est possible d’exprimer.

Dans la vie c’est pour moi une constante interrogation que cette possibilité même du langage. Ça ne va pas de soi, et le travailler au cinéma me permet de vivre le monde. J’ai toujours pensé que le fait de parler n’était pas une donnée : ça me paraît à la fois miraculeux, merveilleux, impossible. C’est quelque chose de très organique.

JJ – Organique ?

SF Physique. C’est un miracle que la pensée s’organise dans la tête et que par le biais du corps celle-ci puisse s’exprimer. Souvent je pense au chemin entre la gorge, les cordes vocales… Ces choses peuvent me plonger dans des abîmes de réflexion. D’où ça vient ?

Géraldine Somaggio – Vous dites quelque chose de ça dans le commentaire de Un chat un chat quand le personnage de Chiara Mastroianni ne parle plus du tout, chez le psy notamment. Vous évoquez le miracle.

SF – Oui oui… il n’y a aucune évidence pour moi de savoir parler les choses.

JJ – C’est aussi ce que dit Lacan, qu’il n’y a rien d’évident pour l’enfant de rentrer dans le langage, de s’y compter. Ce que vous dites là est très proche …

SF – C’est une chose que le cinéma me permet, la fiction en tout cas, car je serai incapable de faire quelque chose qui s’apparente au documentaire.

Ma façon d’appréhender la réalité, c’est par le biais de la fiction et de l’invention et de la mise en scène.

D’ailleurs cela m’aide beaucoup de faire un film, dans mon rapport au monde, dans mon inscription dans le monde… L’idée de filmer la réalité me plonge dans un état de panique. Pour moi il faut absolument une transposition.

 

L’image est une sécurité 

GS – Comment s’articulent image et écrit ? Qu’est-ce qui vient en premier ?

SF – Ce qui vient en premier ?… c’est ce qui me semble faire scène et on ne peut pas faire une scène de tout. Une scène s’impose à moi, mais le fait que la parole ou le langage soit filmé, c’est indissociable. Le fait que l’on voit, qu’il y ait une image de ces gens qui parlent, c’est incontournable.

Je ne me vois pas écrire pour le théâtre, sans support visuel. Et même si dans mes films, la caméra ne se sent pas tellement, il n’y a pas de mouvements alambiqués, ils sont visuels. La vision des choses est primordiale : je sais, avant d’écrire, que la mère de Célimène va venir lui dire « mais qu’est-ce que tu fais il est telle heure du matin », et avant de l’écrire, je sais comment je vais le filmer, en plan américain ou en gros plan ou en plan large…

Si je ne le vois pas je ne peux pas l’écrire.

L’idée que ça ne passe pas par une image des choses, m’inhibe complètement. L’image est une sécurité, je me sens protégée par le fait que c’est projeté.

JJ – Dans le court métrage Des filles et des chiens, effectivement on voit à quel point c’est visuel tout en étant un dialogue… un peu farfelu, avec ses effets comiques, enfin pas toujours, à la fin c’est moins comique…

SF – Oui c’est plus drastique… Là le plan-séquence s’est imposé, il fallait filmer d’une traite.

Quand je suis sur le plateau, j’essaie de me souvenir de ce que je visualisais avant dans ma tête. Bien sûr, des éléments entrent en ligne de compte, des suggestions d’acteurs, devoir faire avec le décor qu’on a trouvé, il faut s’adapter…

Mais, et c’est aussi une des choses magiques du cinéma, on écrit absolument tout ce qu’on veut quand on écrit le scénario, ce sont des mots. Par exemple si j’ai écrit « ils s’arrêtent sur un promontoire », eh bien au moment de la préparation du film, tout le monde cherche un endroit qui soit un promontoire, et on le trouve. Ce qui n’était que de l’ordre de la pensée, prend corps, je trouve ça génial… Je ne me limite jamais dans ce que j’écris.

Quand je mets en scène, je suis dans un sentiment de « reconnaissance », non de « découverte »… On retrouve cela plus tard au montage quand on voit les images qu’on a filmées, cette impression de reconnaître ce qu’on n’avait que dans la tête.

 

Vérité et crédibilité 

GS – Vous dites aussi qu’un récit, celui de la soi-disant disparition dans Aïe par exemple, le fait que ce soit filmé, en image, fait exister le récit, et le récit, l’image…

SF – Je me souviens de cette séquence à la fin de Aïe, dont j’étais contente, ce qui n’est pas toujours le cas… Oui, il y a ce double jeu, le fait d’inventer qu’il invente, transcende toute notion de crédibilité. Au cinéma il ne faut pas s’attacher à la crédibilité… la vérité est une chose autonome.

Dans la vie, la vérité des êtres, des sentiments, de ce que l’on ressent, est totalement séparée de toute question de crédibilité.

JJ – Ce que vous dites me fait penser à la phrase de Lacan : « la vérité (de soi) a structure de fiction »[2].

SF – C’est frappant et très beau je ne connaissais pas cette phrase précise.

JJ – On retrouve cela dans Gentille, avec cette séquence autour de : oui ou non, Michael Lonsdale était-il parti au Costa Rica…

SF – Là, ça tient aussi au talent de l’acteur. Quand je l’ai écrit je me suis demandé si ça allait fonctionner ! Mais Michael Lonsdale était tellement génial… J’aime que la puissance de la parole, la force évocatrice d’un récit, ouvre et déplie tout un pan caché du film : on le voit au Costa Rica, ou on le voit clochard faisant la manche, alors qu’on en a aucune image.

GS – Et ça court dans tous vos films… Quand vous employez le conditionnel ça prend un accent de vérité.

SF – J’aime beaucoup le conditionnel. Comme lorsque Fontaine Leglou demande à son compagnon où il était. Il répond « chez ma sœur » et elle le laisse parler. « Mais tu n’as pas de sœur ! » « Oui mais si j’en avais une j’y aurais été… », etc.

Le conditionnel a une puissance de vérité. Il ouvre une porte magique sur les possibles et sur la vérité aussi car tout est vrai au conditionnel. Dans Des filles et des chiens il y a ça aussi « Je préférerais … »

JJ – Comme dans le jeu des enfants !

SF – Dans Arrête ou je continue, c’est différent, je suis partie d’une situation précise, celle d’une femme qui ne veut pas rentrer. J’ai tout construit à partir d’un couple et de la femme pour qui tout bascule, qui dit non…

Avec la partie dans la forêt, je voulais moins me reposer sur les déclinaisons du dialogue. J’avais envie qu’elle agisse et se départisse de tous ses moyens. En tout cas qu’elle n’ait plus accès à la parole. Ça m’a fait du bien de faire ça.

GS – C’est un film dur…

SF – Oui, très ardu, très âpre, mais ça m’importait beaucoup… Je suis partie d’un contexte dans lequel j’étais, même si totalement réinventé, mais j’avais besoin d’en passer par ce film pour envisager les choses autrement qu’en les subissant.

JJ – Mathieu Amalric dit qu’ils ont eu du mal à « mal se parler » !

SF – En effet, Mathieu me demandait tout le temps « est-ce que je ne peux pas lui mettre la main sur l’épaule ? » Non je tenais mon cap, je savais qu’il ne fallait pas pour que ça fonctionne.

JJ – En effet c’est à un fil, il suffirait d’un geste…

SF – Oui, c’est ce fil là qu’il m’importait vraiment de trouver… Cet endroit d’incertitude et de bascule possible, ça tient à très peu de choses. Ce fil, dans la fiction, me tient très à cœur, c’est ce sillon là que je creuse.

 

C’est le monde qui est absurde

JJ – Vous dites que vous ne cherchez pas à travailler le genre de la comédie, mais les effets de comédie sont là pourtant !

 SF – Le comique du monde m’attrape, je suis parfois saisie dans la vraie vie par une situation ou par un dialogue qui me font rire, ça me réjouit…

GS – C’est un peu « psychopathologie de la vie quotidienne ». Et les héroïnes féminines semblent davantage touchées par ça ?

SF – C’est vrai, mais parce qu’on a surtout des portraits de femmes. Sauf dans Aïe avec le personnage de Dussolier. C’est vrai que je ne cherche pas la veine comique, ça me vient comme ça. D’ailleurs c’est difficile la comédie…

Pourtant dans l’idéal je préférerais faire un grand film bergmanien avec des profondeurs psychologiques abyssales, c’est mon modèle absolu !

Mais il y a toujours une torsion, un angle absurde, comique. L’absurde du monde est sans bornes…

JJ – Justement vous saisissez le monde à travers des petites choses absurdes, pas sur un mode existentiel…

SF – Il suffit de n’importe quelle situation dans la vie et de la pousser un tout petit peu ; ça peut être une exagération, un point de vue, mais on peut, sans surligner, pousser les choses à leur point limite. Ça permet de saisir le sel du monde.

GS – Forcer le trait ?

SF – Oui forcer le trait … On dit souvent dans les critiques que mon cinéma est décalé, c’est un peu rapide. C’est l’idée de pousser les choses de sorte que ça fasse levier et qu’affleure tout ce qu’une situation a en puissance.

GS – Dans la scène de Arrête ou je continue où Mathieu Amalric n’a pas pris la bonne serviette de bain, Emmanuelle lui dit : « tu ne m’aimes plus ? » : c’est comme dans la vie, mais puissance 10 !

SF – Au cinéma, dans une fiction, on peut se permettre des raccourcis qu’on ne peut pas se permettre dans la vie. Encore que chez l’analyste, le raccourci est une notion intéressante, ça peut être fructueux !…

Au cinéma, le comique ressort par l’exagération. J’éprouve vraiment ça, cette élasticité et la plasticité de la comédie. Il faut tendre les choses au maximum, mais si on tend trop on a des lambeaux de dialogues qui ne marchent pas.

GS – C’est presqu’un huis clos parfois entre les personnages

SF – Oui, d’ailleurs j’ai du mal quand il y a beaucoup de personnages. Souvent dans les films, un grand soin est apporté à la façon de parler des gens, que ce soit pour des raisons culturelles ou sociales. Ça me dérange toujours. Les façons de parler sont des harmoniques, quand une note est donnée tout le monde peut s’exprimer sur cette note, cela rejoint la notion de crédibilité… Il n’y a pas de loi, quoiqu’il sorte de notre bouche, c’est dit.

JJ – Dans vos films il y a souvent la présence des parents, on va les voir… C’est un lien qui compte et qui encombre à la fois ?

SF – Oui et d’ailleurs pour Arrête ou je continue je me suis dit cette fois-ci pas de parents, pas de psy ! Alors pourquoi ? Je ne sais pas… une espèce de déterminisme comme ça et l’idée d’être issue de quelque chose, ça m’intéresse.

JJ – Lors de cette soirée chez les parents de Aïe, un peu azimutés, on est proche de l’inquiétante étrangeté !

SF – Dans Aïe, le sexuel affleure. L’idée d’être issu d’un rapport sexuel me fascine toujours, c’est source d’angoisse et les parents incarnent ça.

 

Le malentendu au service du ratage

JJ – Vous parlez d’Emmanuelle Devos comme d’une actrice qui invente…

SF – Oui, en plus de tout jouer d’un texte elle est capable de faire quelque chose d’une chose la plus ténue. A partir de rien elle invente quelque chose.

Elle a une présence physique, quelque chose d’extrêmement solide, ancré. Est-ce sa morphologie ou sa façon de se ressentir physiquement ?

GS  – Elle dégage quelque chose de particulier dans vos films. C’est sans doute aussi la façon dont vous la filmez ?

SF – Je m’efforce que les femmes soient belles dans mes films, j’en parle toujours avec le chef opérateur pour qu’elles soient bien éclairées, bien photographiées…

Emmanuelle n’est pas banale, elle a un phrasé particulier, un débit que j’aime beaucoup et qui m’aide à écrire quand j’écris pour elle.

JJ – On a l’impression que ça lui va comme un gant vos dialogues !

SF – Oui, elle dit qu’elle s’y sent bien… qu’elle se sent très à l’aise quand les choses sont écrites par moi, qu’il n’y a quasiment rien à faire qu’à dire.

C’est dans mon écriture. Mais cette écriture est fragile, comme ça ne repose pas sur le contenu ou sur le sens, on ne peut pas s’en écarter. Mais quand j’écris, j’ai du mal à croire que d’autres vont pouvoir être gagnés par ce que j’essaie de pointer…

GS – Vous mettez en avant ce que dans la vie, par souci de communication sans doute, on essaie de mettre de côté ! C’est le malentendu au service du ratage !

SF – Le malentendu, les quiproquos arrivent tout le temps dans la vie… Mais oui, vous avez raison, c’est au service du ratage…

JJ – Dans Arrête ou je continue, dès le début, je me suis dit les jeux sont faits… et puis à chaque situation suivante il semble qu’il suffirait de si peu…

SF – C’était la difficulté dans l’écriture, chaque scène est fondatrice de leur rapport, même quand elle met du sucre dans son café, etc, elle en rajoute, il lève les yeux au ciel ! Chacune des scènes du début pouvaient se suffire à elles-mêmes. Tout le travail d’écriture, de mise en scène et au montage ensuite, a été de faire en sorte que ça s’accumule sans lasser, de montrer que si toutes les portes se fermaient, ce ne soit pas une bonne fois pour toute.

JJ – Sur France Culture j’ai entendu Laurent Goumarre dire à propos de Arrête ou je continue : « la coupure c’est l’interprétation ». Je me demandais comment vous travaillez au montage ?

SF – Ce n’est pas moi qui fait le montage mais je suis très présente.

Je ne sais pas si la coupe c’est l’interprétation mais il y a un effet de césure et de toute puissance quand on coupe qui est assez jubilatoire. C’est une mise en scène le montage.

JJ – Et une écriture ?

SF – Oui c’est encore une écriture et c’est encore de la mise en scène. Je monte avec la même monteuse depuis quatre films, elle sait ce que je vais supporter ou ce qui va m’insupporter, mais parfois j’accepte même ce qui m’insupporte.

Dans Un chat un chat on a coupé tout un pan d’Anaïs interprétée par Agathe Bonitzer, cela a été une grande souffrance, mais c’était bénéfique… Mais chez moi le film fini ressemble beaucoup au scénario, il y a parfois des inversions de scènes, et les choses peuvent prendre tellement de valeurs différentes selon leur place. Elles s’éclairent les unes les autres, il y a un infini possible et il faut trouver le chemin juste.

Au montage quelque chose s’opère d’assez mystérieux… C’est important chez moi car je fais beaucoup de champ/contre-champ. C’est très cinématographique, on n’éprouve pas ça dans la vie, on ne se voit jamais soi-même ; donc l’idée de passer de l’un à l’autre est très fort.

Au montage, il y a tout un dosage pour ménager au cœur de l’écoute, du silence. J’aime bien quand on est sur la personne qui écoute, d’ailleurs on entend mieux ce qui se dit quand on ne voit pas la personne parler. L’écoute c’est beau à filmer.

JJ – À la fin de Arrête ou je continue c’est la porte qui claque !

SF – Oui, on reste sur lui et on entend la porte se fermer.

Dans une autre fin, il y avait comme une note d’espoir : elle sortait du cadre et il la ramenait dans l’image. Mais dès le tournage j’ai su que je préférais la fin où elle sort du champ.

Lui n’a pas bougé, et elle oui. Pour cette dernière séquence ça m’est apparu qu’il fallait que ce soit en temps réel. On sentait vibrer que quelque chose pouvait se jouer là encore, un suspens en plan séquence.

Mais ce n’est pas seulement qu’elle part, il la laisse à sa liberté nouvelle.

 

Arracher quelque chose à l’impossible

JJ – Alors, que pensez-vous de notre titre Au cinéma, croire à l’inconscient ?

SF – Je pensais à la différence entre inconscient et inconscience et je crois qu’il faut un peu des deux pour faire du cinéma… Quand je vois mes films finis, le sentiment premier que j’ai, c’est « j’avais tout ça en moi et je ne le savais pas »… J’ai l’impression de voir quelque chose qui est apparu, pas que j’ai convoqué… Mais je ne sais pas dans quelle mesure mon inconscient a participé à l’écriture… mais j’y crois à l’inconscient, dur comme fer, je ne vois même pas comment on peut ne pas y croire…

JJ – L’insu, c’est aussi ça l’inconscient…

SF – Mon premier film s’appelait « L’insu »… Mon premier court métrage, quasi muet. À l’époque j’avais un peu lu Lacan et il y avait cette phrase sibylline qui m’enchantait : « L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre »[3] !

Je suis au travail, mais c’est difficile, l’écriture est très lente, c’est par salves, et j’ai des périodes de blocage sérieuses. Et puis quelque chose finit par se glisser, advenir… Mais c’est toujours quelque chose d’arraché à l’impossible.

C’est en ça aussi que l’inconscient est présent, il y a un impossible et un incrédible qu’il faut surmonter ou auxquels il faut permettre d’affleurer.

 

 

 

[1] Entretien réalisé par Géraldine Somaggio et Jeanne Joucla en juin 2015.

[2] Lacan J., Le Séminaire, livre xvi, D’un Autre à l’autre, Paris, Seuil, p. 190.

[3] « L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre », titre du Séminaire xxiv de Jacques Lacan, inédit.