Avant de dormir, Hans [1] confie à son père son interaction avec Grete, son enfant imaginaire, et mentionne en avoir d’autres qu’il place un peu partout dans la maison, tout en exprimant de suite des sentiments contradictoires sur le souhait d’avoir des enfants. On n’y comprend rien. Que raconte-t-il ? Il fabule ? Il délire ? La conversation se poursuit ainsi :
« Père – T’es-tu toujours imaginé que Berta, Olga et les autres étaient tes enfants ?
Hans – Oui, Franzl, Fritz et aussi Paul […] et Lodi.
(Un nom de jeune fille imaginaire, son enfant préférée, dont il parle le plus souvent.). […]
Père – Comment es-tu tombé sur le nom de Lodi ? Aucune petite fille ne porte ce nom. Plutôt Lotti, peut-être ?
Hans – Oh non ! Lodi. Je ne sais pas, mais c’est tout de même un joli nom.
Père (en plaisantant) – Veux-tu peut être dire un chocolodi ?
Hans (promptement) – Non, un saffalodi… parce que j’aime tant manger des saucisses, et aussi du salami.
Père – Dis, un saffalodi ne ressemble-t-il pas à un loumf ?
Hans – Si.
Père – De quoi donc un loumf a-t-il l’air ?
Hans – Noir. Tu sais (montrant mes [ses] sourcils et ma [sa] moustache) comme ça et comme ça. […]» [2]
L’invention du prénom Lodi ne semble pas faite au hasard. Lodi est un signifiant qui condense des éléments a priori séparés (la couleur noire, le bébé, les selles (loumf)…) mais qui sont psychiquement associés par un travail de déplacements de représentations clefs dans la compréhension de la névrose de Hans. Or, la condensation et le déplacement sont des mécanismes propres au rêve. Alors peut-être qu’Hans rêve ? Daniel Roy cite Lacan disant « Rien n’est que rêve » [3] et poursuit qu’il entend par là « l’indication positive de prendre en considération les paroles de l’enfant comme ayant la même valeur que les signifiants du rêve, la valeur de faire naître le sujet à la fois à la réalité et au désir » [4]. Interpréter les paroles des enfants comme on interprête un rêve est une approche qui vise à suivre un enfant dans ce qu’il tente de dire au delà de nommer ses troubles à partir du directement-observable.
Le groupe Lodi, CEREDA de Tours-Poitiers, invite les étudiants et professionnels travaillant avec les enfants et adolescents à approfondir ce type d’approche psychanalytique.

[1] Freud S., (1954) Cinq psychanalyses, « Le petit Hans. Analyse d’une phobie chez un petit garçon de cinq ans », Paris, PUF, p. 94 – 198.

[2] Freud S., op. cit., p. 159-161.

[3] Lacan J., « Lacan pour Vincennes ! », Ornicar ?, n° 17/18, printemps 1979, p. 278, nous soulignons. Cf. Miller J.-A., « “Tout le monde est fou”. AMP 2024 », La Cause du désir, n° 112, novembre 2022, p. 54-57.
[4] Roy, D. (2023), « Rêves et fantasmes chez l’enfant », introduction à la 8e journée de l’Institut psychanalytique de l’Enfant du Champ freudien, qui aura lieu en mars 2025, prononcée en clôture de la 7e, 18 mars 2023. Texte établi avec Romain Aubé et Ève Miller-Rose.

Informations

Les séances mensuelles comprennent l’étude d’un texte théorique et d’un cas clinique apporté par les participants, et se déroulent au CMP rue Marcel Tribut à Tours avec une vingtaine de participants. La participation au groupe LODI se fait après un entretien avec une des responsables du groupe : Isabelle Buillit, Solenne Daniel et Dora Zaouch. Les 15/11/2023, 13/12/2023, 10/01/24, 07/02/24, 20/03/24, 11/04/24 et
15/05/24, de 20h a 22h