Le symptôme politique

 

Le récent Forum de l’ACF-VLB en octobre dernier titrait sur l’« Efficacité de la psychanalyse à l’ère numérique », le sujet sous la loi du nombre, une journée qui a réuni de nombreux praticiens intéressés par ce que l’on nomme encore, plus de cent ans après sa publication par Sigmund Freud, le malaise dans la civilisation. La loi du nombre peut prendre la forme d’un symptôme politique et exige de notre part une traduction. Comme le notait Christiane Alberti lors de la journée de l’ECF « Question d’École » le 3 février dernier, le praticien orienté par la psychanalyse lacanienne doit « être connecté à la subjectivité d’une époque. […] Notre engagement relève d’un choix fondé sur la cause d’un sujet et non d’un choix pour une cause politique. ».

L’exercice même de la psychanalyse pourrait se voir aboli si l’espace public et politique se fragilisaient par le déferlement de la haine, exprimée dans toute l’Europe par la montée irrépressible des mouvements populistes. La démocratie est la condition de l’exercice du psychanalyste. Aussi, travailler à cerner ce symptôme politique engage notre réflexion sur ce qui, du malaise dans le lien social, concerne l’analyste, aux premières loges pour accueillir ce qui cloche, ce qui ne peut se dire ailleurs. Symptôme analytique dans la cure, symptôme politique dans la cité, l’engagement du psychanalyste aujourd’hui plus qu’hier, peut-être, est nécessaire pour lire notre monde en mutation. « La psychanalyse comme expérience intime ne conduit pas à se détourner du monde et de son époque, mais donne envie de s’engager autrement dans le lien social. »[1] Les forums Scalp ont produit des conversations inédites, permises par de nouvelles connexions, et ont parfois pu donner lieu à un franchissement dans la parole de certains politiques, bien au-delà de la « langue de bois ». Notre engagement dans la cité, non pas au nom du collectif, mais bien au nom de ce soutien de la parole au un-par-un, ne recule pas lorsque cette parole s’avère le plus problématique. Ainsi la question de l’autisme est clinique et politique.

Le prochain numéro d’Accès à la psychanalyse s’appuiera, pour élucider ce symptôme politique, sur les initiatives des praticiens dans la cité. Que ce soit via les arts, le théâtre, le cinéma, dans les inventions au sein de l’institution, il s’agira de soutenir la conversation avec d’autres, dans l’exigence d’un bien dire le lien social dont on sait la fragilité. Notre monde occidental est bouleversé par une volonté féroce de « normalité » qui, de la petite enfance au grand âge, tente de réduire l’énigme de chacun dans son rapport au sentiment de la vie. La psychanalyse résiste à la « normalisation » pour tous, et s’offre comme recours pour préserver l’intime et soutenir l’effort du sujet pour en savoir un peu sur ce qui le mène.

Nous attendons vos contributions, cliniques, théoriques, vos inventions dans la cité pour éclairer la place du praticien orienté par l’école de Lacan.

 

Dominique Carpentier

Rédactrice en chef d’Accès

[1] Leguil C., « L’inconscient aux temps arides de la globalisation », Mental, n° 36, novembre 2017, p. 11.